histoire de lanvallay
Le Quai des oubliés
Crevez l’Outre de tous les vents salés
Laissant aux bords de noires rues pavées
Nos fragiles fétus déguenillés ;
Ils sont l’Oiseau à l’aile opprimée.
Les Dieux n’ont-ils pas à la rosée
Offerte une fleur issue du brasier ?
Mais l’Impur meurt, pris dans son pécher,
Par une langue soumise et égarée;
Verlaine, doux ami de l’Aliéné !
Dans ta meurtrière absinthe, blessé
Au corps par le dague de l’Effronté,
Tu laissas au fond des bars les jets
De ton mal, poèmes empoisonnés.
Ton membre brûle dans mille mains débauchées
Quand des éphèbes, aux mœurs inavoués,
Ouvrent leurs braies pleines de verges esseulées,
Quand leurs doigts sur les glaives maculés
Se souillent de semences éjaculées.
L’ombre de ces râles toujours empierrés
Sur tant de quais m’attriste. Ces bruits, nés
Aux détours de noirs soirs perturbés,
Troublent mon lit où je dors si blessé
Entendant leurs complaintes éprouvées
Quand de ces membres naissent des eaux nacrées.
Même la nuit, quand la pluie trempe l’orée
De ces envies ivres du charme osé,
Voit l’amant solitaire éploré
Dans l’attente d'un pieu roide gonflé et mouillé.
Ô! froid, adoucit l'heure sans pitié
Quand des mains moites aux doigts esseulés
Tant brulent leur chair en le noir des quais;
Quant au loin naissent seuls les échos usés.
Oh Verlaine ! Pleure dans ta tombe esseulée
Puisque ton corps, dans ta tourmente troublée,
Toujours suinte. Voit ces êtres désemparés,
Hommes nus, vers pourrissants et oubliés,
Fendre l’enfer de ruelles dépravées ;
Soit l’amant de ces vils êtres effrontés,
Soit cette main impure mais tant recherchée...
Puis toujours mille verges chutent, seules et usées.
Jean-Pierre. Automne 1996